Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/307

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— Ma vie est remplie par tant et tant de choses ! Je n’ai plus la tête à moi.

— Ni le cœur !

Josanne rougit et avoua :

— Ni la tête ni le cœur, mademoiselle.

— Hélas ! Josanne, ça se voit, ça se voit trop !… Je ne vous blâme pas : vous êtes maîtresse de vous-même… Pourtant, je regrette la femme que vous étiez naguère, la vraie féministe, sérieuse, vaillante, libre et volontairement pure… Un si beau type de travailleuse intellectuelle !… Je vous citais en exemple à ces dames de la « Fraternité ».

— Mais, ma chère mademoiselle Bon, il faudrait être logique !… Si les féministes réclament la liberté, c’est probablement pour s’en servir !… Pourquoi mettre au-dessus de la femme amoureuse la femme « volontairement pure » ?… Chacun son goût ! L’amour n’est pas un péché. Nous ne sommes pas des religieuses laïques. Je ne crois pas être moins sérieuse et moins vaillante, moins libre, et représenter un type moins « réussi » de travailleuse intellectuelle, parce que je suis amoureuse…

— Ah ! oui, vous l’êtes, amoureuse ! dit naïvement mademoiselle Bon.

— D’abord, ça ne regarde pas madame Gonfalonet !… Est-ce qu’on oserait m’imposer ou m’interdire telle forme de jupon ou de jarretelles ?…

— Il n’y a pas de rapport…

— La vie intime d’une femme doit échapper à l’inquisition, à la curiosité, comme ses vêtements intimes… C’est un grand romancier anglais, Thomas Hardy, qui a émis cette opinion, en