Page:Tinayre - La femme et son secret, 1933.pdf/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
LA FEMME ET SON SECRET

contre elle-même. « Plaignez-moi, dit-elle, aidez-moi et tâchez de m’aimer encore, si vous pouvez. »

Scène admirable, dans sa brièveté et sa simplicité. En quelques phrases, chacun dit ce qu’il doit dire. C’est la perfection classique. Qu’en pensèrent les contemporains ? Ils pensèrent que cet aveu gâtait, par son invraisemblance, un très bel ouvrage. Bussy-Rabutin, dans une lettre à Mme de Sévigné, le qualifia d’extravagant. Et il ajoutait : « Une femme dit rarement à son mari qu’on est amoureux d’elle, mais jamais qu’elle ait de l’amour pour un autre que pour lui. » Ce Bussy avait connu beaucoup de femmes, pour leur malheur et pour le sien. Il n’avait rencontré nulle part une Princesse de Clèves. Mme de Miramion, qu’il enleva de force et qu’il dut rendre, par force, était une sainte, et elle n’aimait pas son ravisseur.

Ce qui choquait les gens de goût, c’était la confusion des genres. On n’admettait pas qu’un mari pût aimer sa femme avec les ardeurs et les faiblesses d’un amant, et surtout qu’il écoutât des aveux qui mettaient sa dignité en péril. L’attitude de M. de Clèves semblait