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LA FEMME ET SON SECRET

Voilà, me semble-t-il, le secret de son caractère : elle avait une âme ardente, une extrême facilité à souffrir et le désir de l’absolu. L’homme qu’elle aurait aimé, s’il était né dix ans plus tôt ou si elle était née dix ans plus tard, était incapable de lui donner le même amour qui avait été la part de Mme de Longueville. Mme de La Fayette, ne pouvant posséder cet amant passionné, l’imagina. Elle en fit M. de Nemours, et elle lui prêta toutes les grâces qu’il n’avait plus. Elle voulut qu’il aimât Mme de Clèves, qui était elle-même rajeunie, embellie, et toujours vertueuse, mais elle leur défendit d’être heureux.

C’est un cas de jalousie rétrospective qui peut exister dans une liaison chaste, et qui vient du cœur et de l’esprit sans émouvoir les sens. Même dans une passion où les sens ont suivi le cœur, la jalousie du passé n’est pas ordinaire aux femmes. Elles savent bien que leur mari ou leur amant a eu des maîtresses, et elles n’en souffrent guère pourvu qu’elles soient sûres d’être préférées. L’instinct de rivalité qui fait la femme impitoyable à la femme, dès que l’amour est en cause, y