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LA FEMME ET SON SECRET

Délivrée de José, qui va l’attendre sous l’orme éternel où il trouvera Boubouroche et bien d’autres, Carmen goûtera une jubilation intérieure à s’en évanouir de plaisir, et elle enverra José à tous les diables — la prison, le bagne ou la mort — d’un cœur sauvage et léger, en allant retrouver Escamillo. Quelque fois, Escamillo ne soupçonne pas l’existence de José, ce qui arrange bien les choses, et trois jours après, Carmen n’y pense plus. Elle a tué l’intolérable José dans sa pensée, dans sa mémoire. C’est une véritable crémation. De l’amour et de l’amant, il ne reste plus que cendre.

Avec une Carmen, Escamillo n’a que faire d’être jaloux rétrospectivement. L’avenir peut l’inquiéter. Le passé, non. Carmen vit la minute présente. Un jour, si quelqu’un parle de José, devant elle, elle dira de très bonne foi :

« Quel José ? »

Elle l’a aimé, sensuellement, et l’amour sensuel ne marque une femme que s’il n’est pas remplacé. On a construit des théories sur « l’empreinte » du premier possesseur, soi-disant inoubliable. Ce sont des hommes qui ont inventé cela. Les femmes mal mariées sa-