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l’héroïsme féminin

1833. Victor Hugo vient de donner Marion de Lorme. Il va donner Lucrèce Borgia. La jeunesse française salue en lui le roi des poètes vivants. À trente et un ans, il a déjà monté bien des degrés de cet escalier de Jacob où les Anges de gloire le conduisent, entre terre et ciel. C’est encore un jeune homme, bien qu’il soit marié depuis 1822 et qu’il ait deux fils et deux filles, qui ne l’envierait ? Et il n’est pas heureux !

À peine sort-il d’une crise conjugale dont ses amis les plus chers n’ont pas eu la confidence. Sainte-Beuve a passé dans le ménage du poète comme une limace venimeuse. La très belle et très bonne Adèle Hugo a été troublée par ce vilain être qui connaît le cœur des femmes, tandis que le grand poète, avec tout son génie, a l’inexpérience d’un homme marié vierge, à vingt ans. Victor Hugo a su la trahison de l’ami ; il a soupçonné la faiblesse de sa femme ; il a souffert, il a pardonné ; il a conservé une tendre affection pour son Adèle, mais c’en est fini de l’amour.

C’est alors, que, dans un bal d’artistes, il entrevoit Juliette Drouet, blanche avec des yeux noirs, couronnée de diamants, et si belle