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la femme et son secret

que sous une dalle sans nom, au cimetière de Saint-Mandé, elle n’est plus que poussière. Des plumes et des chaînes de perles se mêlaient à ses cheveux nattés. Ses bras nus sortaient des vastes manches. Ses pieds, chaussés de souliers à bout carré, se révélaient, lorsqu’elle repoussait, d’un geste vif, la jupe traînante. Flamme qui brille, ardeur qui rit, mélancolie dans la gaieté, elle demandait à Maffio :

« Qu’est-ce qui remplit tout le cœur ? »

Elle, le savait bien, puisque son cœur était plein d’amour.

Six semaines plus tard, le 17 février 1833, Juliette se donne à Victor Hugo. Le surlendemain 19, dans la nuit du mardi-gras, ils célèbrent leurs noces d’amour, ces noces mystérieuses dont ils fêteront l’anniversaire chaque année, pendant un demi-siècle. Cinquante fois, sur un livre dédié au souvenir, s’inscrira une prose ou un poème et la date nuptiale brillera, feu lointain, jusque dans les ombres de la vieillesse, jusqu’à la nuit du tombeau.

Jamais Victor Hugo n’oubliera cette matinée où il sortit de chez Juliette, le cœur ébloui.

« Le jour naissait. Il pleuvait à verse. Des masques déguenillés et souillés de boue des-