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la femme et son secret

Heureuse, elle pourrait l’être si les sens du poète, ou son cœur à elle, avaient vieilli. Elle ne se résigne pas à voir son ami courir des aventures indignes « de la majesté de son âge et de son génie ». Elle ne comprend pas que cette verdeur extraordinaire est un privilège exceptionnel dont il a l’orgueil. Elle souffre. Elle souffrira jusqu’à son dernier jour, et elle aimera, comme elle aimait dans la nuit du 17 février 1833, comme elle aimait dans la vallée de Bièvres. Les lettres de sa vieillesse sont aussi touchantes que celles de sa jeunesse.

« Si tu es bien, je suis bien. Si tu as bien dormi, j’ai bien dormi, et si tu m’aimes, je t’adore, écrit-elle le 3 mars 1876. Les oiseaux sentent déjà l’approche du printemps… Moi-même, mon grand bien-aimé, je sens refleurir en moi tous les souvenirs de notre jeune amour et mon vieux cœur battre plus fort en pensant à toi dans ce moment-ci… Où tu es attaché, il faut que je t’aime ; c’est le sort commun de la femme et de la chèvre, heureuses quand la corde qui les lie est assez longue pour atteindre quelques tendres bourgeons et quelques heures de bonheur… »