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la femme et son secret

ans, soigner passionnément toute une famille de poupées, enfants disparates qui « naissaient » le jour de l’an dans des boîtes de carton, ou la nuit de Noël dans les cheminées. Aucune n’était négligée, leur mère prodiguait à toutes des soins, des baisers, des claques et des préceptes de bonne conduite.

La fille la plus chérie était une poupée de qui le visage rose avait perdu sa couleur, à la suite de baisers trop ardents et de chocs successifs. La poupée était devenue noire, et elle avait, du consentement universel de la famille, changé de race et de nom. On l’appelait la Négresse. Sa petite mère ne concevait pas que ce nom eût rien de péjoratif. La Négresse, vieille de plusieurs mois, était toujours tendrement aimée. Or il arriva qu’au Premier Janvier, la grand’mère de Louise, lui offrit un nouvel enfant. C’était une poupée châtaine, aux yeux bleus, aux joues couleur de dragée, vêtue d’une robe « marin » à col de toile et d’un béret assorti. Une jeune femme ne regarde pas son premier enfant avec plus de joie émerveillée, ne le touche pas avec des mains plus doucement craintives… Je la revois, ma petite Louise, déjà femme, déjà mère par