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la femme et son secret

entre des choses qui n’en ont point, la faculté d’interpréter ce qui est logiquement absurde, d’en tirer un récit, une image, une émotion pour nous imprévisible, c’est l’aventure quotidienne de l’enfant…

Et du poète.

Comme la sensibilité, l’imagination subit l’influence du sexe. L’imagination masculine est créatrice et constructive. On lui doit les mythes religieux, les hypothèses scientifiques, les systèmes politiques et philosophiques. Au contraire, l’imagination féminine se détourne des abstractions et n’édifie pas volontiers des palais de nuages. Elle s’attache aux êtres, aux choses qu’elle ne possède pas, et voudrait posséder. L’homme imagine des idées et des actes. La femme imagine des sentiments.

L’impossible ne la tente guère. C’est le possible qu’elle veut saisir, par anticipation. Chateaubriand aime la Sylphide qu’il n’étreindra jamais, la Sylphide qui représente une idée de la femme. Cependant, les jeunes filles qui brodent auprès de la fenêtre, contre le rideau soulevé, Eugénie Grandet, Ursule Mirouet, Modeste Mignon, et même Mlle Emma Rouault — qui sera Mme Bovary — ne s’éprennent