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la femme et son secret

les trous d’un vieil écran de taffetas vert. Ce sont des châteaux, des villes, des cavaliers, des dames, des religieuses, toute une fantasmagorie que retrouveront les yeux tristes d’Indiana, dans un écran vert tout pareil, un soir d’automne.

D’autres petites filles, dans tous les temps, dans tous les pays, ont reçu le don, mais elles ne racontent qu’à elles-mêmes la féerie intérieure qui ne deviendra jamais l’œuvre d’art. Il leur manque la puissance incantatrice du poète, la souveraineté de l’écrivain sur le peuple des mots. En essayant d’exprimer leur songe, elles le trahissent, et ce papillon qu’elles veulent fixer meurt sous leur doigt. Cendrillons de la poésie, elles parleront ce qu’elles ne sauraient écrire. À mi-voix, portes closes, elles seront les conteuses qui réjouissent les petits enfants, amusent l’ennui des malades, apaisent les jaloux, endorment les tyrans domestiques. Femmes dont on ne se lasse guère, à qui l’on revient, habiles à se renouveler, surprise, plaisir et piège où l’homme ennuyé se prend… Shéhérazades…