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la femme et son secret

ouvrait ses larges fenêtres juste en face de la Salute. L’odeur de l’eau qui sent le bouquet fané, se diluait dans le vif courant d’air du Grand Canal et n’était plus qu’une vague allusion à la mort, tout à fait convenable en ce temps de Toussaint, mais qu’on pouvait oublier. Les gens assis par couples, aux tables de la salle à manger, n’y pensaient guère, il me semble, car c’étaient de jeunes hommes et de jeunes femmes, en voyage de noces ou en voyage d’amour. Je ne compte que pour mémoire les autres touristes, Allemands au crâne rasé, vieux Anglais bien nets, aux figures rouges, et vieilles Anglaises chevalines, qui font partie du mobilier ordinaire des hôtels vénitiens, comme le nègre à plateau du vestibule et la vitrine où l’on expose des colliers de verre, des cuirs peints, des dentelles et des mosaïques.

L’amour légitime et l’amour contrebandier étaient vraiment les maîtres de cette maison. Presque chaque jour, un ménage arrivait. Il y en avait de toutes races et aussi de tout âge. On reconnaissait les légitimes à leur jeunesse. Les amants de vingt ans sont rarement assez riches pour faire le voyage vénitien. Ils