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précisément, M. du Fargeas était demandé.

La région qui entoure Verthis, à égale distance de Périgueux et de Brive, n’a pas la grosse matérialité d’une Bourgogne ou d’une Normandie. Elle est clémente et charmante, et fournit au corps toutes sortes de délicatesses — depuis les gourmandises de bouche jusqu’au duvet des édredons — sans accabler de lourdes richesses la fine pointe de l’esprit. La race, déjà méridionale, est comme touchée de gascon. Elle pratique l’ironie, et donne aisément dans le scepticisme. On y trouve quantité d’originaux, fils impénitents de Montaigne.

Tel était Zerbin de Fonard. Il aimait parler et ratiociner, en proférant d’extraordinaires paradoxes, sur un ton de pince-sans-rire. Antoine, plus rassis et plus timide, l’écoutait en l’admirant, et ils allaient ainsi, de compagnie, par les collines rouges de bruyère, ou dans les sentiers des vertes vallées où les plus jolies rivières du monde font partout chanter des moulins.

Visite faite aux métairies, on poussait chez les hobereaux du voisinage : les Valcourre, les Planot, les Verteuil, les Fontclose, tous alliés, tous cousinant, tous pauvres et rongés de dettes, et qui tous attendaient le retour du Roy. Dans ces petits castels, où les maîtres vivaient familièrement avec leurs domestiques, le luxe était inconnu et le bien-être ignoré. M. de Valcourre avait coutume de