Page:Tinayre - Une provinciale en 1830.pdf/33

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grands-mères, et ne sentaient les effets du grand bouleversement social qu’à la diminution de leurs revenus ? Il en était tout autrement à Paris. Lucile du Fargeas avait vu, dans la capitale, des choses singulières, choquantes : le luxe des parvenus, l’insolence de la canaille, le dévergondage des toilettes et des propos. Mais à Verthis !… Après les convulsions de la Terreur, et les secousses des guerres impériales, la vie avait repris, à l’ombre des lys, son cours paisible et lent. Que Zénaïde du Fargeas dût s’adapter à des conditions nouvelles d’existence, adopter des idées, des sentiments, autres que ceux des aïeules, Mme du Fargeas n’envisageait même pas que ce fût possible. Elle voulait se voir revivre, trait pour trait, dans l’innocente Naïs, fleur tard venue de l’arbre familial, et cette pensée lui dicta toute sa conduite.

Jusqu’à sept ans, la petite fille n’apprit que le Pater et l’Ave, et quelques chansons patoises entendues à la cuisine.

La maison était tout son univers, car si les parents ne voyageaient guère, les enfants ne voyageaient point du tout. On n’éprouvait pas le besoin de se transporter à la campagne, pendant la canicule, et la duchesse de Berry venait à peine de mettre à la mode les bains de mer. Bon pour les fous de gravir les montagnes ! Est-ce que l’air n’était pas sain, à Verthis ? Mme du Fargeas se plaisait chez elle, et n’en