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peinture grise, et sa glace à trumeau, on pouvait admirer une pendule en bronze doré, sous globe, entre deux flambeaux de cuivre. Aux fenêtres, d’amples rideaux en mousseline de Tarare. Au mur de l’alcôve, entre les deux lits, un vieux christ et un bénitier. Pas une fleur, pas un bibelot, pas même de tapis : rien d’inutile.

La couchette de Naïs était placée dans un cabinet voisin de cette chambre. Le reste de l’étage n’était que chambrettes, recoins, placards, étroits passages et couloirs tortueux.

Naïs aimait cette maison froide et sonore où elle avait un terrain de jeux : l’escalier, et un paradis de délices : la cuisine.

Toute petite, avant d’être mise dans le moule banal qui façonne les « jeunes personnes accomplies » sa liberté n’était restreinte que par le danger des chutes ou le péril des indigestions. Elle en profita. C’était une belle enfant, active et volontaire, comme tous les Fonard, dont elle avait les cheveux noirs frisés, les yeux bleus, le teint éclatant, et certain petit nez à la Roxelane qu’on eût appelé autrefois un nez fripon. La bouche était incorrecte, avec des dents qui promettaient d’être jolies. Malgré le costume incommode dont on affublait les petites filles — pantalon à volant tuyauté, serrant les chevilles, robe à manches bouffantes, pèlerine et ceinture à pans, elle chevauchait la rampe de l’escalier, installait