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Page:Tissot - Principes du droit public, 1872.djvu/50

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Il se croit par là même dispensé de comparer des faits qui expliqueraient l’existence des lois, les principes qui serviraient à l’appréciation morale des lois et des faits. En un mot, le simple juriste est empirique, systématique, exclusif à sa manière.

Le philosophe ne pouvant nier ni les lois ni les circonstances qui les ont inspirées, mais ne voyant pas l’enchaînement relativement nécessaire de ces deux choses, n’ayant que le sentiment de la convenance absolue et idéale des principes et de leurs conséquences pratiques imposées par la logique, dédaignera outre mesure les faits et les lois qui en découlent.

L’historien vraiment philosophe, ou le philosophe sérieusement historien, sera seul placé assez haut par la pensée et le savoir pour juger sainement de la marche, des écarts, des mouvements rétrogrades ou réellement progressifs du droit public.

Mais cette tâche est si compliquée, d’un accomplissement si difficile, qu’il importe à la perfection de l’œuvre, au progrès même de la science, qu’elle se divise, que l’historien s’applique à la recherche des faits et le philosophe à celle des principes. L’essentiel est que l’un et l’autre sachent qu’ils ne sont que des collaborateurs à une œuvre commune et plus vaste, et qu’il y a un troisième et dernier travail à faire, un travail de rapprochement, de comparaison et de critique, qui doit servir à marquer le point de départ, le progrès et le terme idéal du droit public, et par conséquent la place précise qu’occupe sur l’échelle de ce perfectionnement la législation donnée de le tel ou tel peuple, dans tel ou tel temps.