Page:Tite Live - Histoire romaine (volume 1), traduction Nisard, 1864.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LIVRE PREMIER.


SOMMAIRE. — Descente d’Énée en Italie ; ses exploits. — Règne d’Ascagne à Albe, et des Silvius ses successeurs. — La fille de Numitor, surprise par Mars, devient mère de Romulus et de Rémus. — Meurtre d’Amulius. — Fondation de Rome. — Établissement du sénat. — Guerre contre les Sabins. — Consécration de dépouilles opimes à Jupiter-Férétrien. — Division du peuple en curies. — Défaite des Fidénates et des Véiens. — Apothéose de Romulus. — Numa Pompilius institue les cérémonies religieuses ; élève un temple à Janus ; fait la paix avec tous les peuples voisins, et ferme, le premier, les portes de ce temple. À la faveur des entretiens nocturnes qu’il feint d’avoir avec la nymphe Égérie, il inspire à ce peuple farouche des sentiments religieux. — Tullus Hostilius porte la guerre chez les Albains. — Combat des Horaces et des Curiaces. — Horace absous. — Supplice de Mettius Suffetius[1]. — Ruine d’Albe ; incorporation de ses habitants dans Rome. — Guerre déclarée aux Sabins. — Tullus périt frappé de la foudre. — Ancus Marcius renouvelle les cérémonies instituées par Numa ; il défait les Latins, leur donne droit de cité, et leur assigne le mont Aventin pour demeure. Seconde prise de Politorium, ville du Latium, dont les anciens Latins s’étaient emparés, et ruine de cette ville. Ancus jette un pont de bois sur le Tibre ; unit le mont Janicule à la ville, et recule les frontières de son empire ; bâtit Ostie, et meurt après un règne de vingt-quatre ans. Sous son règne, Lucumon, fils du Corinthien Démarate, vient de Tarquinie, ville d’Étrurie, à Rome ; admis dans l’intimité d’Ancus, il prend le nom de Tarquin, et monte sur le trône après la mort d’Ancus. Il augmente de cent le nombre des sénateurs ; soumet les Latins ; trace l’enceinte du cirque, et institue des jeux. Attaqué par les Sabins, il augmente les centuries des chevaliers. Pour mettre à l’épreuve la science de l’augure Attius Navius, il lui demande si ce qu’il pense dans le moment est possible, et, sur sa réponse affirmative, il lui ordonne de couper un caillou avec un rasoir, ce que l’augure fait sur-le-champ. — Défaite des Sabins ; Rome entourée de murailles ; construction des égouts. — Tarquin est assassiné par les fils d’Ancus après un règne de trente-huit ans. — Il a pour successeur Servius Tullius, fils d’une noble captive de Corniculum : la tradition rapporte que dans sou enfance on avait vu, dans sou berceau, des feux briller autour de sa tête ; défaite des Véiens et des Étrusques. Établissement du cens, qui porte, dit-on, à quatre-vingt mille le nombre des citoyens. Cérémonie du lustre. Division du peuple par classes et par centuries. Le roi recule le Pomærium, pour réunir à la ville les monts Quirinal, Viminal et Esquilin. De concert avec les Latins, il élève un temple à Diane sur le mont Aventin. — Il est tué par L. Tarquin, fils de Priscus, à l’instigation de sa fille Tullie, après un règne de quarante-quatre ans. A sa mort, L. Tarquin le Superbe, sans l’aveu du sénat ni du peuple, s’empare du trône : le jour de l’usurpation, l’infâme Tullie fait passer son char sur le corps de son père. Tarquin s’entoure de grandes armées pour la sûreté de sa personne. Turnus Herdonius périt victime de sa perfidie. Tarquin fait la guerre aux Volsques, et de leurs dépouilles élève un temple à Jupiter dans le Capitole. Le dieu Terme et la déesse de la Jeunesse résistent à la destruction, et leurs autels restent debout dans le nouveau temple. La ruse de Sextus Tarquin, son fils, met en son pouvoir la ville des Gabiens. Ses fils se rendent à Delphes, consultent l’oracle pour savoir auquel d’entre eux doit échoir la couronne : l’oracle répond que celui-là régnera qui donnera le premier baiser à sa mère. Ils se méprennent sur le sens de l’oracle ; Junius Brutus qui les avait accompagnés se laisse tomber comme par mégarde, et baise la terre : l’événement ne tarde pas à justifier son interprétation ; en effet, la tyrannie de Tarquin le Superbe ayant soulevé la haine générale, son fils Sextus y met le comble en ravissant l’honneur à Lucrèce qu’il avait surprise la nuit par la violence ; celle-ci fait appeler Trisipitinus[2] son père, et Collatin son mari, et se poignarde sous leurs yeux après leur avoir fait jurer de ne pas laisser sa mort sans vengeance. Ce serment s’accomplit, grâce aux efforts de Brutus surtout. Après un règne de vingt-cinq ans Tarquin est chassé. — Création des premiers consuls, L. Junius Brutus et L. Tarquinius Collatin.

I. C’est d’abord un fait assez constant, qu’après la prise de Troie la vengeance des Grecs, s’étant exercée sur le reste du peuple troyen, ne respecta qu’Énée et Anténor, soit que le droit d’une ancienne hospitalité les protégeât, soit que les conseils qu’ils avaient toujours donnés, de rendre Hélène et de faire la paix, engageassent le vainqueur à les épargner. C’est encore une chose universellement connue, qu’a près diverses aventures, Anténor, à la tète d’une troupe nombreuse d’Hé-

  1. En réalité Mettius Fufetius (note Wikisource).
  2. En réalité Tricipitinus (note Wikisource).