Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/162

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regarde que lui-même, il est resté maître : il est libre, et ne doit compte de ses actions qu’à Dieu. De là cette maxime, que l’individu est le meilleur comme le seul juge de son intérêt particulier, et que la société n’a le droit de diriger ses actions que quand elle se sent lésée par son fait, ou lorsqu’elle a besoin de réclamer son concours.

Cette doctrine est universellement admise aux États-Unis. J’examinerai autre part quelle influence générale elle exerce jusque sur les actions ordinaires de la vie ; mais je parle en ce moment des communes.

La commune, prise en masse et par rapport au gouvernement central, n’est qu’un individu comme un autre, auquel s’applique la théorie que je viens d’indiquer.

La liberté communale découle donc, aux États-Unis, du dogme même de la souveraineté du peuple ; toutes les républiques américaines ont plus ou moins reconnu cette indépendance ; mais chez les peuples de la Nouvelle-Angleterre, les circonstances en ont particulièrement favorisé le développement.

Dans cette partie de l’Union, la vie politique a pris naissance au sein même des communes ; on pourrait presque dire qu’à son origine chacune d’elles était une nation indépendante. Lorsqu’ensuite les rois d’Angleterre réclamèrent leur part de la souveraineté, ils se bornèrent à prendre la puissance centrale. Ils laissèrent la commune dans l’état où ils la trouvèrent ; maintenant les communes de la Nouvelle-Angleterre sont sujettes ; mais dans le principe elles ne l’étaient point ou l’étaient