Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/163

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à peine. Elles n’ont donc pas reçu leurs pouvoirs ; ce sont elles au contraire qui semblent s’être dessaisies, en faveur de l’État, d’une portion de leur indépendance : distinction importante, et qui doit rester présente à l’esprit du lecteur.

Les communes ne sont en général soumises à l’État que quand il s’agit d’un intérêt que j’appellerai social, c’est-à-dire qu’elles partagent avec d’autres.

Pour tout ce qui n’a rapport qu’à elles seules, les communes sont restées des corps indépendants ; et parmi les habitants de la Nouvelle-Angleterre, il ne s’en rencontre aucun, je pense, qui reconnaisse au gouvernement de l’État le droit d’intervenir dans la direction des intérêts purement communaux.

On voit donc les communes de la Nouvelle-Angleterre vendre et acheter, attaquer et se défendre devant les tribunaux, charger leur budget ou le dégrever, sans qu’aucune autorité administrative quelconque songe à s’y opposer[1].

Quant aux devoirs sociaux, elles sont tenues d’y satisfaire. Ainsi, l’État a-t-il besoin d’argent, la commune n’est pas libre de lui accorder ou de lui refuser son concours[2]. L’État veut-il ouvrir une route, la commune n’est pas maîtresse de lui fermer son territoire. Fait-il un règlement de police, la commune doit l’exécuter. Veut-il organiser l’instruction sur un plan uniforme dans toute l’étendue du pays, la commune est tenue de créer

  1. Voyez Laws of Massachusetts, loi du 23 mars 1786, vol. I, p. 250.
  2. Ibid., loi du 20 février 1786, vol. I, p. 217