Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/209

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Il arrive quelquefois alors que la centralisation essaie, en désespoir de cause, d’appeler les citoyens à son aide ; mais elle leur dit : Vous agirez comme je voudrai, autant que je voudrai, et précisément dans le sens que je voudrai. Vous vous chargerez de ces détails sans aspirer à diriger l’ensemble ; vous travaillerez dans les ténèbres, et vous jugerez plus tard mon œuvre par ses résultats. Ce n’est point à de pareilles conditions qu’on obtient le concours de la volonté humaine. Il lui faut de la liberté dans ses allures, de la responsabilité dans ses actes. L’homme est ainsi fait qu’il préfère rester immobile que marcher sans indépendance vers un but qu’il ignore.

Je ne nierai pas qu’aux États-Unis on regrette souvent de ne point trouver ces règles uniformes qui semblent sans cesse veiller sur chacun de nous.

On y rencontre de temps en temps de grands exemples d’insouciance et d’incurie sociale. De loin en loin apparaissent des taches grossières qui semblent en désaccord complet avec la civilisation environnante.

Des entreprises utiles qui demandent un soin continuel et une exactitude rigoureuse pour réussir, finissent souvent par être abandonnées ; car, en Amérique comme ailleurs, le peuple procède par efforts momentanés et impulsions soudaines.

L’Européen, accoutumé à trouver sans cesse sous sa main un fonctionnaire qui se mêle à peu près de tout, se fait difficilement à ces différents rouages de l’administration communale. En général, on peut dire que les petits détails de la police sociale qui rendent la vie douce