Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/275

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Du reste, le manque de fixité est un mal tellement inhérent au système électif, qu’il se fait encore vivement sentir dans la sphère d’action du président, quelque circonscrite qu’elle soit.

Les Américains ont pensé avec raison que le chef du pouvoir exécutif, pour remplir sa mission et porter le poids de la responsabilité tout entière, devait rester, autant que possible, libre de choisir lui-même ses agents et de les révoquer à volonté ; le corps législatif surveille le président plutôt qu’il ne le dirige. Il suit de là qu’à chaque élection nouvelle, le sort de tous les employés fédéraux est comme en suspens.

On se plaint, dans les monarchies constitutionnelles d’Europe, de ce que la destinée des agents obscurs de l’administration dépend souvent du sort des ministres. C’est bien pis encore dans les États où le chef du gouvernement est élu. La raison en est simple : dans les monarchies constitutionnelles, les ministres se succèdent rapidement ; mais le représentant principal du pouvoir exécutif ne change jamais, ce qui renferme l’esprit d’innovation entre certaines limites. Les systèmes administratifs y varient donc dans les détails plutôt que dans les principes ; on ne saurait les substituer brusquement les uns aux autres sans causer une sorte de révolution. En Amérique, cette révolution se fait tous les quatre ans au nom de la loi.

Quant aux misères individuelles qui sont la suite naturelle d’une pareille législation, il faut avouer que le défaut de fixité dans le sort des fonctionnaires ne pro-