Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/293

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rapport à leur gouvernement fédéral ; mais, au milieu de ce peuple, on a laissé subsister des corps politiques dépendant du gouvernement national en quelques points, indépendants sur tous les autres ; qui ont leur origine particulière, leurs doctrines propres et leurs moyens spéciaux d’agir. Confier l’exécution des lois de l’Union aux tribunaux institués par ces corps politiques, c’était livrer la nation à des juges étrangers.

Bien plus, chaque État n’est pas seulement un étranger par rapport à l’Union, c’est encore un adversaire de tous les jours, puisque la souveraineté de l’Union ne saurait perdre qu’au profit de celle des États.

En faisant appliquer les lois de l’Union par les tribunaux des États particuliers, on livrait donc la nation, non seulement à des juges étrangers, mais encore à des juges partiaux.

D’ailleurs ce n’était pas leur caractère seul qui rendait les tribunaux des États incapables de servir dans un but national ; c’était surtout leur nombre.

Au moment où la constitution fédérale a été formée, il se trouvait déjà aux États-Unis treize cours de justice jugeant sans appel. On en compte vingt-quatre aujourd’hui. Comment admettre qu’un État puisse subsister, lorsque ses lois fondamentales peuvent être interprétées et appliquées de vingt-quatre manières différentes à la fois ! Un pareil système est aussi contraire à la raison qu’aux leçons de l’expérience.

Les législateurs de l’Amérique convinrent donc de créer un pouvoir judiciaire fédéral, pour appliquer les