Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/307

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sairement, on se trouve en lutte avec la souveraineté de l’État qui a fait la loi. Il ne reste plus qu’à choisir, parmi les moyens d’action, le moins dangereux. Ce moyen était indiqué d’avance par les principes généraux que j’ai précédemment énoncés[1].

On conçoit que dans le cas que je viens de supposer, l’Union aurait pu citer l’État devant un tribunal fédéral, qui eût déclaré la loi nulle ; c’eût été suivre la marche la plus naturelle des idées. Mais, de cette manière, la justice fédérale se serait trouvée directement en face d’un État, ce qu’on voulait, autant que possible, éviter.

Les Américains ont pensé qu’il était presque impossible qu’une loi nouvelle ne lésât pas dans son exécution quelque intérêt particulier.

C’est sur cet intérêt particulier que les auteurs de la constitution fédérale se reposent pour attaquer la mesure législative dont l’Union peut avoir à se plaindre. C’est à lui qu’ils offrent un abri.

Un État vend des terres à une compagnie ; un an après, une nouvelle loi dispose autrement des mêmes terres, et viole ainsi cette partie de la constitution qui défend de changer les droits acquis par un contrat. Lorsque celui qui a acheté en vertu de la nouvelle loi se présente pour entrer en possession, le possesseur, qui tient ses droits de l’ancienne, l’actionne devant les tribunaux de l’Union, et fait déclarer son titre nul[2]. Ainsi, en réalité, la justice fédérale se trouve aux prises avec

  1. Voyez le chapitre intitulé : Du pouvoir judiciaire en Amérique.
  2. Voyez Kent’s commentaries, vol. I, p. 387.