Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une grande république, le système fédératif a rendu la tâche bien moins difficile. La confédération de tous les États américains ne présente pas les inconvénients ordinaires des nombreuses agglomérations d’hommes. L’Union est une grande république quant à l’étendue ; mais on pourrait en quelque sorte l’assimiler à une petite république, à cause du peu d’objets dont s’occupe son gouvernement. Ses actes sont importants, mais ils sont rares. Comme la souveraineté de l’Union est gênée et incomplète, l’usage de cette souveraineté n’est point dangereux pour la liberté. Il n’excite pas non plus ces désirs immodérés de pouvoir et de bruit qui sont si funestes aux grandes républiques. Comme tout n’y vient point aboutir nécessairement à un centre commun, on n’y voit ni vastes métropoles, ni richesses immenses, ni grandes misères, ni subites révolutions. Les passions politiques, au lieu de s’étendre en un instant, comme une nappe de feu, sur toute la surface du pays, vont se briser contre les intérêts et les passions individuelles de chaque État.

Dans l’Union cependant, comme chez un seul et même peuple, circulent librement les choses et les idées. Rien n’y arrête l’essor de l’esprit d’entreprise. Son gouvernement appelle à lui les talents et les lumières. En dedans des frontières de l’Union règne une paix profonde, comme dans l’intérieur d’un pays soumis au même empire ; en dehors, elle prend rang parmi les plus puissantes nations de la terre ; elle offre au commerce étranger plus de huit cents lieues de rivages ; et tenant dans