Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/79

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Dans la première partie de cet ouvrage, j’ai donc essayé de montrer la direction que la démocratie, livrée en Amérique à ses penchants et abandonnée presque sans contrainte à ses instincts, donnait naturellement aux lois, la marche qu’elle imprimait au gouvernement, et en général la puissance qu’elle obtenait sur les affaires. J’ai voulu savoir quels étaient les biens et les maux produits par elle. J’ai recherché de quelles précautions les Américains avaient fait usage pour la diriger, et quelles autres ils avaient omises, et j’ai entrepris de distinguer les causes qui lui permettent de gouverner la société.

Mon but était de peindre dans une seconde partie l’influence qu’exercent en Amérique l’égalité des conditions et le gouvernement de la démocratie, sur la société civile, sur les habitudes, les idées et les mœurs ; mais je commence à me sentir moins d’ardeur pour l’accomplissement de ce dessein. Avant que je puisse fournir ainsi la tâche que je m’étais proposée, mon travail sera devenu presque inutile. Un autre doit bientôt montrer aux lecteurs les principaux traits du caractère américain, et, cachant sous un voile léger la gravité des tableaux, prêter à la vérité des charmes dont je n’aurais pu la parer[1].

  1. À l’époque où je publiai la première édition de cet ouvrage, M. Gustave de Beaumont, mon compagnon de voyage en Amérique, travaillait encore à son livre intitulé Marie, ou l’Esclavage aux États-Unis, qui a paru depuis. Le but principal de M. de Beaumont a été de mettre en relief et de faire connaître la situation des nègres au milieu de la société anglo-américaine. Son ouvrage jettera une vive et nouvelle lumière sur la question de l’esclavage, question vitale pour les républiques unies. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que le livre de M. de