Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/227

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J’ai vu des Américains s’associer pour envoyer des prêtres dans les nouveaux États de l’Ouest, et pour y fonder des écoles et des églises ; ils craignent que la religion ne vienne à se perdre au milieu des bois, et que le peuple qui s’élève ne puisse être aussi libre que celui dont il est sorti. J’ai rencontré des habitants riches de la Nouvelle-Angleterre qui abandonnaient le pays de leur naissance dans le but d’aller jeter, sur les bords du Missouri ou dans les prairies des Illinois, les fondements du christianisme et de la liberté. C’est ainsi qu’aux États-Unis le zèle religieux s’échauffe sans cesse au foyer du patriotisme. Vous pensez que ces hommes agissent uniquement dans la considération de l’autre vie, mais vous vous trompez : l’éternité n’est qu’un de leurs soins. Si vous interrogez ces missionnaires de la civilisation chrétienne, vous serez tout surpris de les entendre parler si souvent des biens de ce monde, et de trouver des politiques où vous croyez ne voir que des religieux. « Toutes les républiques américaines sont solidaires les unes des autres, vous diront-ils ; si les républiques de l’Ouest tombaient dans l’anarchie ou subissaient le joug du despotisme, les institutions républicaines qui fleurissent sur les bords de l’océan Atlantique seraient en grand péril ; nous avons donc intérêt à ce que les nouveaux États soient religieux, afin qu’ils nous permettent de rester libres. »

Telles sont les opinions des Américains ; mais leur erreur est manifeste : car chaque jour on me prouve fort doctement que tout est bien en Amérique, excepté pré-