Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/242

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mentateurs, les publicistes leur manquent ; et en politique ils donnent au monde des exemples plutôt que des leçons.

Il en est de même pour les arts mécaniques.

En Amérique, on applique avec sagacité les inventions de l’Europe, et après les avoir perfectionnées, on les adapte merveilleusement aux besoins du pays. Les hommes y sont industrieux, mais ils n’y cultivent pas la science de l’industrie. On y trouve de bons ouvriers et peu d’inventeurs. Fulton colporta longtemps son génie chez les peuples étrangers avant de pouvoir le consacrer à son pays.

Celui qui veut juger quel est l’état des lumières parmi les Anglo-Américains est donc exposé à voir le même objet sous deux différents aspects. S’il ne fait attention qu’aux savants, il s’étonnera de leur petit nombre ; et s’il compte les ignorants, le peuple américain lui semblera le plus éclairé de la terre.

La population tout entière se trouve placée entre ces deux extrêmes ; je l’ai déjà dit ailleurs.

Dans la Nouvelle-Angleterre, chaque citoyen reçoit les notions élémentaires des connaissances humaines ; il apprend en outre quelles sont les doctrines et les preuves de sa religion : on lui fait connaître l’histoire de sa patrie et les traits principaux de la Constitution qui la régit. Dans le Connecticut et le Massachusetts, il est fort rare de trouver un homme qui ne sache qu’imparfaitement toutes ces choses, et celui qui les ignore absolument est en quelque sorte un phénomène.