Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/299

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ment montré autant de génie naturel que les peuples de l’Europe dans leurs plus vastes entreprises ; mais les nations, comme les hommes, ont besoin de temps pour apprendre, quels que soient leur intelligence et leurs efforts.

Pendant que ces sauvages travaillaient à se civiliser, les Européens continuaient à les envelopper de toutes parts et à les resserrer de plus en plus. Aujourd’hui, les deux races se sont enfin rencontrées ; elles se touchent. L’Indien est déjà devenu supérieur à son père le sauvage, mais il est encore fort inférieur au blanc son voisin. A l’aide de leurs ressources et de leurs lumières, les Européens n’ont pas tardé à s’approprier la plupart des avantages que la possession du sol pouvait fournir aux indigènes ; ils se sont établis au milieu d’eux, se sont emparés de la terre ou l’ont achetée à vil prix, et les ont ruinés par une concurrence que ces derniers ne pouvaient en aucune façon soutenir. Isolés dans leur propre pays, les Indiens n’ont plus formé qu’une petite colonie d’étrangers incommodes au milieu d’un peuple nombreux et dominateur[1].

  1. Voyez, dans les documents législatifs, 21e congrès, nº 89, les excès de tous genres commis par la population blanche sur le territoire des Indiens. Tantôt les Anglo-Américains s’établissent sur une partie du territoire, comme si la terre manquait ailleurs, et il faut que les troupes du Congrès viennent les expulser ; tantôt ils enlèvent les bestiaux, brûlent les maisons, coupent les fruits des indigènes ou exercent des violences sur leurs personnes.

    Il résulte de toutes ces pièces la preuve que les indigènes sont chaque jour victimes de l’abus de la force. L’Union entretient habituellement parmi les Indiens un agent chargé de la représenter ; le rapport de l’agent