Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/306

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déjà à peu près disparu. Telle a été la destinée de l’homme rouge d’Amérique.

« Nous voici les derniers de notre race, nous faut-il aussi mourir ?

« Depuis un temps immémorial, notre Père commun, qui est au ciel, a donné à nos ancêtres la terre que nous occupons ; nos ancêtres nous l’ont transmise comme leur héritage. Nous l’avons conservée avec respect, car elle contient leur cendre. Cet héritage, l’avons-nous jamais cédé ou perdu ? Permettez-nous de vous demander humblement quel meilleur droit un peuple peut avoir à un pays que le droit d’héritage et la possession immémoriale ? Nous savons que l’État de Géorgie et le président des États-Unis prétendent aujourd’hui que nous avons perdu ce droit. Mais ceci nous semble une allégation gratuite. À quelle époque l’aurions-nous perdu ? Quel crime avons-nous commis qui puisse nous priver de notre patrie ? Nous reproche-t-on d’avoir combattu sous les drapeaux du roi de la Grande-Bretagne lors de la guerre de l’indépendance ? Si c’est là le crime dont on parle, pourquoi dans le premier traité qui a suivi cette guerre n’y déclarâtes-vous pas que nous avions perdu la propriété de nos terres ? pourquoi n’insérâtes-vous pas alors dans ce traité un article ainsi conçu : Les États-Unis veulent bien accorder la paix à la nation des Chérokées, mais pour les punir d’avoir pris part à la guerre, il est déclaré qu’on ne les considérera plus que comme fermiers du sol, et qu’ils seront assujettis à s’éloigner quand les États qui les avoisinent demanderont