Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/134

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sont portés à reconnaître la trace de ce plan général et constant suivant lequel Dieu conduit l’espèce.

Ceci peut encore être considéré comme une source très-abondante de poésie, qui s’ouvre dans ces siècles.

Les poëtes démocratiques paraîtront toujours petits et froids s’ils essaient de donner à des dieux, à des démons ou à des anges, des formes corporelles, et s’ils cherchent à les faire descendre du ciel pour se disputer la terre.

Mais s’ils veulent rattacher les grands événements qu’ils retracent aux desseins généraux de Dieu sur l’univers, et, sans montrer la main du souverain maître, faire pénétrer dans sa pensée, ils seront admirés et compris, car l’imagination de leurs contemporains suit d’elle-même cette route.

On peut également prévoir que les poëtes qui vivent dans les âges démocratiques peindront des passions et des idées plutôt que des personnes et des actes.

Le langage, le costume et les actions journalières des hommes dans les démocraties se refusent à l’imagination de l’idéal. Ces choses ne sont pas poétiques par elles-mêmes, et elles cesseraient d’ailleurs de l’être, par cette raison qu’elles sont trop bien connues de tous ceux auxquels on entreprendrait d’en parler. Cela force les poëtes à percer sans cesse au-dessous de la surface extérieure que les sens leur découvrent, afin d’entrevoir l’âme elle-même. Or, il n’y a rien qui prête plus à la peinture de l’idéal que l’homme ainsi envisagé dans les profondeurs de sa nature immatérielle.

Je n’ai pas besoin de parcourir le ciel et la terre pour