Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/167

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ment se combiner avec des institutions plus ou moins libres, ou même avec des institutions qui ne le seraient point du tout.

Quoique les hommes ne puissent devenir absolument égaux sans être entièrement libres, et que par conséquent l’égalité, dans son degré le plus extrême, se confonde avec la liberté, on est donc fondé à distinguer l’une de l’autre.

Le goût que les hommes ont pour la liberté, et celui qu’ils ressentent pour l’égalité, sont, en effet, deux choses distinctes, et je ne crains pas d’ajouter que, chez les peuples démocratiques, ce sont deux choses inégales.

Si l’on veut y faire attention, on verra qu’il se rencontre dans chaque siècle un fait singulier et dominant auquel les autres se rattachent ; ce fait donne presque toujours naissance à une pensée mère, ou à une passion principale qui finit ensuite par attirer à elle et par entraîner dans son cours tous les sentiments et toutes les idées. C’est comme le grand fleuve vers lequel chacun des ruisseaux environnants semble courir.

La liberté s’est manifestée aux hommes dans différents temps et sous différentes formes ; elle ne s’est point attachée exclusivement à un état social, et on la rencontre autre part que dans les démocraties. Elle ne saurait donc former le caractère distinctif des siècles démocratiques.

Le fait particulier et dominant qui singularise ces siècles, c’est l’égalité des conditions ; la passion princi-