Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/270

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continuelle, étroite et nécessaire de l’autre, et semble né pour obéir comme celui-ci pour commander.

Qu’est-ce ceci sinon de l’aristocratie ?

Les conditions venant à s’égaliser de plus en plus dans le corps de la nation, le besoin des objets manufacturés s’y généralise et s’y accroît, et le bon marché qui met ces objets à la portée des fortunes médiocres, devient un plus grand élément de succès.

Il se trouve donc chaque jour que des hommes plus opulents et plus éclairés, consacrent à l’industrie leurs richesses et leurs sciences, et cherchent en ouvrant de grands ateliers, et en divisant strictement le travail, à satisfaire les nouveaux désirs qui se manifestent de toutes parts.

Ainsi, à mesure que la masse de la nation tourne à la démocratie, la classe particulière qui s’occupe d’industrie devient plus aristocratique. Les hommes se montrent de plus en plus semblables dans l’une, et de plus en plus différents dans l’autre, et l’inégalité augmente dans la petite société, en proportion qu’elle décroît dans la grande.

C’est ainsi que, lorsqu’on remonte à la source, il semble qu’on voie l’aristocratie sortir par un effort naturel du sein même de la démocratie.

Mais cette aristocratie-là ne ressemble point à celles qui l’ont précédée.

On remarquera d’abord, que ne s’appliquant qu’à l’industrie et à quelques unes des professions industrielles seulement, elle est une exception, un monstre dans l’ensemble de l’état social.