Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montraient, il y a cinquante ans, les plus relâchées se montrent aujourd’hui les plus exemplaires, et que la démocratie semble n’avoir moralisé que les classes aristocratiques.

La révolution, en divisant la fortune des nobles, en les forçant de s’occuper assidûment de leurs affaires et de leurs familles, en les renfermant avec leurs enfants sous le même toit, en donnant enfin un tour plus raisonnable et plus grave à leurs pensées, leur a suggéré, sans qu’ils s’en aperçoivent eux-mêmes, le respect des croyances religieuses, l’amour de l’ordre, des plaisirs paisibles, des joies domestiques et du bien-être ; tandis que le reste de la nation, qui avait naturellement ces mêmes goûts, était entraîné vers le désordre par l’effort même qu’il fallait faire pour renverser les lois et les coutumes politiques.

L’ancienne aristocratie française a subi les conséquences de la révolution, et elle n’a point ressenti les passions révolutionnaires, ni partagé l’entraînement souvent anarchique qui l’a produite ; il est facile de concevoir qu’elle éprouve dans ses mœurs l’influence salutaire de cette révolution, avant ceux mêmes qui l’ont faite.

Il est donc permis de dire, quoique la chose au premier abord paraisse surprenante, que, de nos jours, ce sont les classes les plus anti-démocratiques de la nation qui font le mieux voir l’espèce de moralité qu’il est raisonnable d’attendre de la démocratie.

Je ne puis m’empêcher de croire, que quand nous au-