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CHAPITRE XIII


COMMENT L'ÉGALITÉ DIVISE NATURELLEMENT LES AMÉRICAINS EN UNE MULTITUDE DE PETITES SOCIÉTÉS PARTICULIÈRES.


On serait porté à croire que la conséquence dernière et l’effet nécessaire des institutions démocratiques est de confondre les citoyens dans la vie privée aussi bien que dans la vie publique, et de les forcer tous à mener une existence commune.

C’est comprendre, sous une forme bien grossière et bien tyrannique, l’égalité que la démocratie fait naître.

Il n’y a point d’état social ni de lois qui puissent rendre les hommes tellement semblables, que l’éducation, la fortune et les goûts ne mettent entre eux quelque différence, et, si des hommes différents peuvent trouver quelquefois leur intérêt à faire, en commun, les mêmes choses, on doit croire qu’ils n’y trouveront jamais leur plaisir. Ils échapperont donc toujours, quoi qu’on fasse, à la main du législateur ; et, se dérobant par quelque endroit du cercle où l’on cherche à les renfermer, ils établiront, à côté de la grande société politique, de petites