Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entreprises industrielles, est la première cause de ses progrès rapides, de sa force, de sa grandeur. L'industrie est pour lui comme une vaste loterie où un petit nombre d'hommes perdent, chaque jour, mais où l'État gagne sans cesse ; un semblable peuple doit donc voir avec faveur et honorer l'audace en matière d'industrie. Or, toute entreprise audacieuse compromet la fortune de celui qui s'y livre et la fortune de tous ceux qui se fient à lui. Les Américains, qui font de la témérité commerciale une sorte de vertu, ne sauraient, en aucun cas, flétrir les téméraires.

De là vient qu'on montre, aux États-Unis, une indulgence si singulière pour le commerçant qui fait faillite : l'honneur de celui-ci ne souffre point d'un pareil accident. En cela, les Américains diffèrent, non seulement des peuples européens, mais de toutes les nations commerçantes de nos jours ; aussi ne ressemblent-ils, par leur position et leurs besoins, à aucune d'elles.

En Amérique, on traite avec une sévérité inconnue dans le reste du monde tous les vices qui sont de nature à altérer la pureté des mœurs et à détruire l'union conjugale. Cela contraste étrangement, au premier abord, avec la tolérance qu'on y montre sur d'autres points. On est surpris de rencontrer chez le même peuple une morale si relâchée et si austère.

Ces choses ne sont pas aussi incohérentes qu'on le suppose. L'opinion publique, aux États-Unis, ne réprime que mollement l'amour des richesses, qui sert à la grandeur industrielle et à la prospérité de la nation ; et