Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/332

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de 300 détenus à peu près. Ce sont les seules maisons centrales pour lesquelles le chiffre total des punitions, dans l’année 1842, nous ait été fourni. Pour toutes les autres, la Commission n’a eu sous les yeux que les rapports du dernier trimestre ; et, quoiqu’on puisse conclure de ces rapports que le nombre des punitions a dû être moindre dans les prisons auxquelles ils se réfèrent que dans celles dont on vient de parler, dans toutes il est très-considérable[1]. Il existe, de plus, des différences très-grandes, quant à la sévérité du régime, entre les diverses maisons centrales. Dans telle maison, il y a 20 punitions pour un détenu ; dans telle autre, il y en a à peine une. Cela résulte naturellement du caractère des différents directeurs, de l’importance plus ou moins grande qu’ils attachent à l’observation du silence, et des facilités qu’ils trouvent pour le faire observer.

Le nombre des punitions est très-grand. Le genre des punitions auquel on a recours, peut, à la longue, devenir fort dangereux.

Dans une prison où l’usage du fouet est prohibé, où l’on ne peut aggraver la tâche journalière du détenu récalcitrant, parce que le travail habituel est aussi grand qu’il peut l’être ; où l’on ne peut infliger le silence comme peine disciplinaire, puisque le silence est la loi commune ; où enfin l’on ne saurait faire que rarement usage du cachot, parce que le nombre des cachots est limité, et que d’ailleurs le cachot arrache le détenu à son atelier et le plus souvent au travail : dans une pareille prison, il n’est pas aisé de savoir à quelle punition avoir recours pour maintenir la discipline. Il est difficile d’atteindre les délinquants autrement qu’en réduisant leur nourriture. La réduction de nourriture est, en effet, la peine la plus habituellement prononcée dans les prisons où le silence est la règle et où l’on ne fait point usage du fouet. Sur les 20,974 punitions infligées en 1840 dans la prison de Coldbathfield, on en trouve 10,728 qui ont consisté dans une réduction de nourriture. Les rapports des directeurs de nos maisons centrales font voir également que la mise au pain et à l’eau est une peine disciplinaire très-souvent appliquée ; il est impossible qu’un si fréquent usage d’une semblable peine ne produise pas à la longue de fort fâcheux effets sur le corps et même

  1. Il y a une prison dans laquelle l’inspecteur déclare qu’il a trouvé le cinquième de la population valide on punition.