Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/359

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l’école, les nécessités même du travail manuel qui forcent les gardiens à entrer souvent dans les cellules pour apprendre au jeune condamné son métier, diriger ses efforts ou en constater les résultats, interrompent fréquemment la solitude. Le bruit de l’industrie dont tous les corridors retentissent sans cesse, le mouvement incessant qui règne dans toutes les parties de la maison, ôtent à cette prison la physionomie morne et glacée qu’ont certains pénitenciers d’Amérique. Le vœu de la Commission est qu’un grand nombre des membres de la Chambre aille visiter la maison de la Roquette. Il serait imprudent sans doute de conclure de ce qui se passe dans cette prison, que le système qui y est en pratique, appliqué à des hommes faits, ne produirait pas sur ceux-ci une impression plus profonde que celle qu’il fait naître chez des enfants. Toutefois, la Commission se croit en droit d’affirmer qu’un pareil système ne fera pas naître dans l’intelligence des détenus le trouble qu’on redoute. Alors même, d’ailleurs, que les affections mentales seraient un peu moins rares dans les prisons nouvelles que dans les anciennes, la Commission n’hésiterait pas encore à dire que cette raison, quelque puissante qu’elle soit, n’est pas suffisante pour faire abandonner, avec le système de l’emprisonnement individuel, tous les biens sociaux qu’on en doit attendre. Les anciennes prisons causaient une souffrance physique ; c’est par ce côté qu’elles étaient surtout répressives. Les améliorations introduites successivement depuis dans le régime, ont permis qu’on y jouît souvent d’une sorte de bien-être.

Si la peine de l’emprisonnement épargne le corps, il est juste et désirable qu’elle laisse du moins dans l’esprit des traces salutaires, attaquant ainsi le mal dans sa source. Or, il est impossible qu’un régime spécialement destiné à faire une impression vive sur nu grand nombre d’esprits, n’en pousse pas quelques-uns vers la folie Si ce mal devient, comme le croit la Commission, très-rare, quelque déplorable qu’il soit, il faudrait encore le préférer maux de mille espèces que le système actuel engendre. Le code pénal n’accorde lien aux forçat sur les produits de leur travail, mais il permet d’abandonner aux condamnés à la réclusion une portion de ce produit, et il crée un véritable droit en faveur des condamnés pour délits correctionnels ; ainsi qu’il résulte de l’article 41, qui dispose « que les produits du travail de chaque