Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/360

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détenu pour délit correctionnel, seront appliqués, partie aux dépenses de la maison, partie à lui procurer quelques adoucissements s’il les mérite, partie à former pour lui, au temps de sa sortie, un fonds de réserve.

Une ordonnance de 1817 a voulu que ces trois parts fussent égales ; conséquemment, dans l’état actuel de la législation, les deux tiers du produit du travail des détenus pour délits correctionnels leur appartiennent. La même faveur est faite aux reclusionnaires que renferment nos maisons centrales. Le projet de loi change complètement cet ordre de choses, et propose de déclarer d’une manière générale que le produit du travail de tous les condamnés appartient à l’État, qu’une portion déterminée de ce produit pourra seulement leur être accordée. Ainsi il fait plus pour les forçats, et moins pour les condamnés correctionnellement que n’avait fait le code pénal, et il traite tous les condamnés comme ce même code avait traité les seuls réclusionnaires.

La Commission de 1840 avait refusé d’admettre une disposition semblable ; rentrant dans l’esprit du code pénal, elle avait établi que les condamnés aux travaux forcés ne recevraient rien ; que les condamnés à la réclusion pourraient recevoir, et que les condamnés pour délits correctionnels devraient recevoir une partie du produit de leur travail. Le minimum de ce salaire était fixé, non aux deux tiers comme le portait l’ordonnance de 1817, mais au tiers seulement, et les détenus pouvaient en être privés comme punition disciplinaire ; quelques membres de votre Commission ont reproduit ces idées.

Ils pensaient que bien qu’en droit strict l’Etat puisse s’attribuer le produit complet du travail des criminels, l’usage de ce droit était très-rigoureux, et qu’il pourrait être dangereux d’y recourir au sortir d’un régime dans lequel on avait poussé la condescendance à cet excès, d’accorder comme règle générale au plus grand nombre des condamnés les deux tiers de ce qu’ils gagnaient en prison ; que, d’ailleurs, le but de l’emprisonnement pénitentiaire n’était pas seulement de forcer au travail, mais d’en donner le goût et d’en faire sentir le prix ; qu’un travail sans salaire ne pouvait inspirer que du dégoût.

La majorité répondait qu’il était sans doute utile et nécessaire de salarier dans une certaine mesure le travail des condamnés ; que