Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surtout à l’expression des visages de son oncle et de son père, il devinait qu’ils avaient dû causer de sa mère. Afin de ne pas blâmer son père, avec lequel il vivait, de qui il dépendait, et, principalement, pour ne pas s’abandonner à une sensibilité qu’il jugeait humiliante, Serge tâchait de ne pas regarder cet oncle qui survenait pour troubler sa quiétude et lui rappeler des souvenirs qu’il voulait oublier.

Mais quand Stépan Arkadiévitch, qui était sorti derrière lui, l’apercevant dans l’escalier, l’appela et l’interrogea sur ses occupations à l’école, Serge, hors de la présence de son père, se mit à causer avec lui.

— Chez nous, maintenant, on joue beaucoup au chemin de fer, dit-il répondant à une question de son oncle. Voilà comment : deux s’assoient sur un banc, ce sont les voyageurs. Un autre se met debout sur le même banc, et tous s’attellent. On peut le faire avec les bras, avec les ceintures, et on court à travers toutes les salles de classe. Les portes sont ouvertes d’avance. C’est très difficile d’être conducteur.

— Le conducteur, c’est celui qui est debout ? demanda Stépan Arkadiévitch en souriant.

— Oui. Il faut beaucoup de hardiesse et d’habileté, surtout si le train s’arrête tout d’un coup ou si quelqu’un tombe.

— En effet, ce n’est pas une plaisanterie, dit Stépan Arkadiévitch, en examinant avec tristesse ses