Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/239

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son gilet de satin. Ikonine, admis quand même à l’Université, en pantalon bleu clair à liseré qui couvrait tout son soulier, était assis au dernier rang et en éclatant de rire, criait qu’il était sur le Parnasse. Ilinka, qui, à mon étonnement, me salua non seulement froidement, mais même avec mépris, comme s’il voulait me rappeler qu’ici nous étions tous égaux, était assis devant moi et sans se gêner serrait ses jambes maigres sur le banc (il me sembla qu’il faisait cela contre moi) ; il causait avec un autre étudiant, et de temps en temps me regardait. Près de moi, la compagnie d’Ivine parlait français. Ces messieurs me semblaient horriblement sots. Chaque mot que j’entendais de leur conversation non seulement me paraissait insensé, mais incorrect, tout simplement non français. (Ce n’est pas français, disais-je en pensée) ; et les attitudes, les paroles et les actes de Sémenov, d’Ilinka et des autres me semblaient manquer de noblesse, de distinction, de comme il faut.

Je n’appartenais à aucune coterie et me sentant seul et incapable de me lier, je me fâchai. Un étudiant, sur le banc au devant du mien, mangeait ses ongles qui étaient dépassés par la chair rouge, et cela me parut si dégoûtant que je me reculai de lui. Et je me rappelle que ce premier jour j’eus l’âme bien triste.

Quand le professeur entra et que tous s’agitèrent et se turent, je me rappelle que mon humeur sati-