Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/240

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rique s’attaqua au professeur et je fus frappé de ce qu’il commença sa conférence par une phrase d’introduction qui, à mon avis, n’avait aucun sens. Je voulais que la conférence fût si remarquable d’un bout à l’autre, qu’on ne pût rien retrancher ou ajouter. Ainsi déçu, sous le titre « Première conférence », écrit sur un cahier joliment relié que j’avais apporté, je dessinai dix-huit profils qui se rejoignaient en cercle comme une fleur, et je mouvais rarement ma main sur le papier pour que le professeur (j’étais convaincu qu’il s’occupait beaucoup de moi), crût que j’écrivais son cours. À cette même conférence, convaincu qu’écrire tout ce que dirait chaque professeur ne serait pas nécessaire et même serait bête, je suivis cette règle jusqu’à la fin du cours.

Aux conférences suivantes, déjà je ne sentais plus si fortement ma solitude. Je fis beaucoup de connaissances ; je serrais des mains, je causais, mais toutefois, entre moi et les camarades, je ne sais pourquoi, ne s’établit pas un vrai rapprochement, et souvent il m’arriva d’être triste et de feindre. Avec les camarades d’Ivine, les aristocrates, comme tous les appelaient, je ne pouvais me mettre d’accord, parce que, comme je me le rappelle maintenant, j’étais avec eux sauvage et grossier et ne les saluais que quand ils me saluaient, et eux, évidemment, n’avaient pas grand besoin de ma connaissance. Avec la majorité des autres, cela