Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/254

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mais moi j’attendais un plaisir extraordinaire et très vif de ce passe-temps tout à fait inconnu pour moi, et ponctuellement, à huit heures, l’heure indiquée, j’étais chez le baron Z… Le baron Z…, en veston déboutonné et gilet blanc, recevait ses invités dans la salle éclairée et dans le salon de la petite maison qu’habitaient ses parents, qui pour cette soirée lui avaient cédé les chambres de parade. Dans le corridor, on apercevait les robes et les têtes des femmes de chambre curieuses, et au buffet, passa la robe d’une dame que je pris pour la baronne elle-même. Il y avait en tout vingt invités, tous des étudiants sauf M. Frost qui accompagnait Ivine et un monsieur en civil, aux joues rouges, haut de taille, qui dirigeait l’ordonnance de la soirée et qu’on présentait à tout le monde comme un parent du baron, ancien étudiant de l’Université de Derpt. L’éclairage trop vif et l’ameublement ordinaire, officiel des salons, au commencement jeta un froid sur toute cette jeune compagnie, et tous, involontairement, se tenaient près des murs, sauf quelques courageux et l’étudiant de Derpt qui, ayant déjà déboutonné son gilet, semblait se trouver au même moment dans chaque chambre et dans chaque coin à la fois et paraissait remplir toutes les pièces de son organe de ténor agréable, sonore qui ne s’arrêtait pas d’un moment.

La plupart des camarades se taisaient ou cau-