Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/259

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pour chacun à part soi, c’était désagréable comme pour moi, mais que croyant être seul à éprouver cette impression, chacun trouvait nécessaire de feindre d’être gai, pour ne pas troubler la gaîté générale ; de plus, c’est étrange à dire, je me crus obligé de feindre parce que dans la soupière on avait versé trois bouteilles de champagne de dix roubles chacune, et dix bouteilles de rhum, à quatre roubles, ce qui faisait soixante-dix roubles, sans compter le souper. J’étais si convaincu de cela, que le lendemain, au cours, je fus très étonné de ce que mes camarades qui assistaient à la soirée du baron Z…, non seulement n’avaient pas honte de se rappeler ce qu’ils avaient fait là-bas, mais racontaient cette soirée de façon à ce que les autres pussent l’entendre. Ils disaient que c’était une noce étonnante, que les étudiants de Derpt sont maîtres en cette affaire, que vingt personnes ont bu quarante bouteilles de rhum, que plusieurs sont restés sous la table ivre-morts. Je ne pouvais comprendre non seulement pourquoi ils racontaient cela, mais encore pourquoi ils mentaient.