Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/224

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— Non, maman, je me coucherai ici, sur le sol, dit Natacha ; elle s’approcha de la fenêtre et l’ouvrit. Les gémissements de l’aide de camp étaient encore plus distincts avec la fenêtre ouverte. Elle avança la tête dans l’air frais de la nuit, et la comtesse vit son cou mince tremblant de sanglots qui se heurtait au châssis.

Natacha savait que ce n’était pas le prince André qui gémissait, elle savait que le prince André était couché dans l’isba voisine, séparé d’eux seulement par le vestibule, mais ces gémissements lugubres, ininterrompus, la faisaient sangloter. La comtesse échangea un regard avec Sonia.

— Couche-toi, ma petite colombe. Couche-toi, ma petite amie, dit la comtesse en touchant l’épaule de Natacha. Eh bien, couche-toi donc.

— Ah oui… Je me coucherai. Je me coucherai tout de suite. Et Natacha se dévêtit hâtivement en arrachant le cordon de son jupon. Quand elle eut ôté sa robe et mis une camisole, elle s’assit en ployant les jambes sur le lit préparé sur le sol, et ramenant ses cheveux sur son épaule, elle se mit à les tresser. Ses doigts fins, longs, habiles, repliaient rapidement la tresse. D’un geste habituel, Natacha tournait la tête, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, mais ses yeux grands ouverts regardaient tout droit. Quand sa toilette de nuit fut terminée, elle s’assit tout doucement sur le drap jeté sur du foin près de la porte.