Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/295

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et de grâce, avec un sourire joyeux, elle se leva, tendit sa main fine et douce et parla d’une voix dans laquelle pour la première fois sonnait une note féminine. Mademoiselle Bourienne qui se trouvait au salon regardait avec étonnement la princesse Marie. La coquette la plus habile n’aurait pas mieux manœuvré en rencontrant un homme à qui il fallait plaire.

« Ou c’est le noir qui lui va si bien, ou en effet elle a embelli et je ne l’ai pas remarqué… mais ce tact, cette grâce !… » pensait mademoiselle Bourienne.

Si la princesse Marie avait pu réfléchir en ce moment, elle eut été encore plus étonnée que mademoiselle Bourienne du changement qui s’était opéré en elle. Depuis qu’elle avait remarqué ce visage charmant, aimé, une force nouvelle de vie s’emparait d’elle et la faisait parler et agir malgré sa volonté. Son visage, depuis que Rostov était entré, s’était transformé soudain. De même que les verres peints d’une lanterne, dès qu’on l’allume, laissent voir tout à coup, d’une manière inattendue et frappante, le travail artistique qui auparavant semblait grossier et dénué de sens, de même se transformait tout à coup le visage de la princesse Marie. Pour la première fois s’extériorisait tout ce travail pur, spirituel dont elle avait vécu jusqu’ici. Tout son travail intérieur, toutes ses souffrances, ses aspirations vers le bien, la soumission, l’amour, le sacrifice,