Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/306

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— Non, ce n’est pas possible ! prononça-t-il à haute voix.

Incapable de tenir en place, la lettre à la main, en la relisant, il marchait dans la chambre. Il parcourut la lettre, la lut une fois, une deuxième, et les épaules soulevées, les bras écartés, il s’arrêta au milieu de la chambre, la bouche ouverte et les yeux fixes. La prière qu’il venait d’adresser à Dieu était accomplie, mais Nicolas en était étonné comme d’une chose extraordinaire, comme s’il ne pouvait l’attendre et comme si le fait que cela se réalisait si promptement prouvait que ce ne venait pas de Dieu qu’il avait prié, mais d’un hasard quelconque.

Ce problème qui paraissait insoluble et liait sa liberté était résolu par cette lettre inespérée (comme il semblait à Nicolas) que rien n’avait provoquée. Sonia lui écrivait que les derniers événements malheureux : la perte de presque tous les biens des Rostov à Moscou, le désir de la comtesse, exprimé plusieurs fois, qu’il se mariât avec la princesse Bolkonskï, son silence et sa froideur de ces derniers temps, que tout cela ensemble la faisait se décider à renoncer à sa promesse et à lui laisser toute sa liberté. « Il m’est très pénible de penser que je suis la cause des chagrins et des querelles de la famille qui m’a élevée, et mon amour n’a qu’un seul but : le bonheur de ceux que j’aime. C’est pourquoi je vous supplie, Nicolas, de vous