Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/340

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— Comment, comment as-tu dit ? demanda Pierre.

— Moi ! je dis que ce n’est pas par notre raison, mais par la volonté de Dieu, dit-il pensant répéter exactement ce qu’il avait dit auparavant.

Et aussitôt il continua :

— Mais, monsieur, vous avez aussi des domaines ? Et la maison ? Alors c’est tout plein ! Et votre épouse ? Et vos vieux parents vivent encore ? demandait-il. — Pierre ne voyait pas dans l’obscurité, mais il sentait que les lèvres du soldat se plissaient dans un sourire tendre pendant qu’il l’interrogeait. Il parut attendri d’apprendre que Pierre n’avait plus de parents, surtout plus de mère.

— La femme c’est pour le conseil, la belle-mère pour le salut, mais il n’y a rien de plus cher que la mère ! dit-il. Eh bien, avez-vous des enfants ? interrogea-t-il encore.

La réponse négative de Pierre l’attrista de nouveau. Il se hâta d’ajouter : Bah, vous êtes encore jeune, grâce à Dieu vous en aurez, seulement il faut vivre en bon accord.

— Ah ! maintenant, tout m’est égal ! dit Pierre malgré lui.

— Eh, mon cher ! Personne ne peut renoncer à la besace et à la prison, objecta Platon.

Il s’assit plus commodément, toussota, se préparant évidemment à un long récit :

— C’est comme ça, mon cher ami. J’ai vécu aussi