Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XIX

Quand l’homme se meut, il donne toujours un but à son mouvement. Pour parcourir mille verstes, l’homme doit penser qu’il y a quelque chose de bon après ces mille verstes, il faut absolument qu’il ait la représentation d’une terre promise pour avoir des forces de se mouvoir.

La terre promise, lors de l’invasion des Français, était pour eux Moscou ; dans la retraite, c’était la patrie. Mais la patrie était trop loin, et pour un homme qui fait mille verstes, il est absolument nécessaire de se dire, oubliant le but final, aujourd’hui j’arriverai au lieu du repos, du coucher, et ce lieu de repos marque le but final et concentre tous les désirs et tous les espoirs. Ces aspirations qui se manifestent en chaque homme à part augmentent toujours dans la foule.

Pour les Français qui retournaient sur la vieille route de Smolensk, le but final, la patrie était trop loin et le but le plus proche, celui auquel tendaient