Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/338

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ou des pensées générales sur les procédés de l’éducation. C’était, en général, des détails minimes, mais ils ne semblaient tels ni à la mère, ni au père quand il lut pour la première fois ce journal des enfants.

À la date du 5 novembre il y avait :

« Mitia s’est mal conduit pendant le dîner. Papa a ordonné de ne lui pas donner de gâteau. On ne lui en a pas donné ; mais pendant que les autres en mangeaient il les regardait avec tant de tristesse et d’avidité que cette punition, me semble-t-il, ne peut que développer en lui la gourmandise. Il faut le dire à Nicolas. »

Nicolas posa le journal et regarda sa femme. Ses yeux rayonnants l’interrogeaient, lui demandaient s’il approuvait ou non le journal. Sans aucun doute Nicolas l’approuvait et même était en admiration devant sa femme.

— « Il ne fallait peut-être pas le faire sous une forme si pédante », pensa Nicolas ; mais ce travail infatigable, continuel, qui n’avait pour but que le bien moral des enfants l’enthousiasmait. Si Nicolas avait pu analyser ses sentiments, il eût trouvé que la cause principale de son amour profond, tendre et fier pour sa femme était l’admiration qu’il avait pour son âme, pour ce monde élevé, moral, presque inaccessible pour lui dans lequel vivait sa femme.

Il était fier de son intelligence, de sa bonté ; il reconnaissait son infériorité vis-à-vis d’elle sous le