Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/302

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pable. Pendant qu’il écrivait ce chapitre, je n’ai pu me retenir de souffler et de dire ce que je mettrais. S’il y a quelque banalité de procédé dans l’introduction, dans la description des personnages et de la demeure, moi seul en suis coupable. Si je l’avais laissé faire seul, je suis persuadé qu’il aurait introduit les mêmes éléments mais avec plus d’art, sans ce procédé de description logique admise chez nous et qui est impossible : d’abord la description des personnages, même leurs biographies, puis la description du pays et du milieu, et après enfin l’action. Et, chose étrange, toutes ces descriptions qui occupent parfois des pages, font moins connaître au lecteur le personnage qu’un trait artistique jeté négligemment, pendant l’action commencée, par les personnages nullement décrits. Ainsi dans ce premier chapitre, ce seul mot de Gordeï : « C’est ce qu’il me faut ! » quand, faisant un geste de la main, il accepte son sort d’être soldat et ne demande à l’assemblée que de ne pas abandonner son fils, ce mot fait mieux connaître au lecteur le personnage que la description de son vêtement, de sa figure, de son habitude de fréquenter les cabarets, que plusieurs fois j’ai répétée et imposée. La même impression produit le mot de la vieille qui gronde toujours son fils quand, en pleine douleur, elle dit à sa bru avec envie : « Assez, Matriona ! Que faire ? Evidemment c’est la volonté de Dieu. Tu es encore jeune, Dieu le permettra