Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/307

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et décrit précisément celles qui pour lui et pour chacun de nous caractérisent le mieux ces coutumes : — Quand on a dit : c’est amer, la mariée prit Kandracha par les oreilles, et ils se mirent à s’embrasser. Ensuite la mort de la grand’mère, le souvenir de son fils avant la mort et le caractère particulier de la douleur de la femme. Tout cela est si serré, si sûr, et tout cela est de lui seul.

Quand je lui donnai le sujet du récit, j’insistai surtout sur le retour du père. Cetle scène me plaisait et je la racontai, mais vulgairement, d’une manière sentimentale. Cette scène aussi lui plut beaucoup et il me dit : « Ne dites rien, je sais, » et il se mit à écrire.

Et depuis ce passage il a achevé la nouvelle sans se lever. Je m’intéresse beaucoup à l’opinion des connaisseurs, mais je crois devoir exprimer franchement la mienne. Je ne connais rien de pareil à ces pages dans la littérature russe. Dans toute cette rencontre il n’y a pas une seule allusion qui ne porte. Il s’est borné à raconter ce qui s’est passé, mais de tout ce qui s’est passé il a raconté précisément ce qu’il faut pour que le lecteur comprenne la situation de tous les personnages. Le soldat dans sa maison n’a dit que trois mots. D’abord, se relevant, il dit : « Bonjour », puis, oubliant le rôle qu’il s’est donné il dit : « Quoi ! est-ce là toute votre famille ? » Et tout fut exprimé par des mots : « Où donc est ma mère ?»